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les politiciens du comptoir
13 mai 2015

Le cinéma peut-il ré-enchanter les villes ?

Depuis quelques années, Détroit est devenue un magnifique terrain de jeu pour les cinéastes. Avec Lost River de Ryan Gosling, et Only lovers left alive de Jim Jarmush (superbe bande son !), la ville y est montrée comme apocalyptique, abandonnée des pouvoirs publics ou de toute forme d’organisation collective. Les personnages y errent toute la nuit en voiture, ils vivent dans des maisons délabrées aux allures de squats, ils dansent dans des théâtres abandonnés ; le tout dans une ambiance éminemment poétique.

Détroit au cinéma : un imaginaire qui poétise la ville et donne un goût de renouveau

 Après avoir été le berceau de l’industrie automobile, Détroit a connu depuis les années 1960 un déclin économique progressif, et a été déclarée en faillite en 2013. Shrinking City, ville qui rétrécit, elle est aujourd’hui devenue un symbole de la crise économique et signe avec elle une certaine mort de la civilisation urbaine.

lost riveronly loversGauche

 

Maison légumes detroitdepressed-detroit-_2622247k

Malgré cela, ces deux films laissent place à une esthétique certaine, un imaginaire certes empreint de nihilisme et de désespérance, mais aussi de liberté, en laissant à penser que tout est possible, que tout reste à construire. Dans la vraie vie aussi, Détroit cherche à subsister et à se renouveler. Après avoir été bâtie sur les bases d’un capitalisme brutal et polluant, la ville regorge d’initiatives citoyennes nouvelles, davantage adaptées au contexte économique, social et environnemental actuel (agriculture urbaine, dépollution des sols, éducation, développement économique et social, réhabilitations du bâti, art)[1].

Du côté des pouvoirs publics, la ville n’est officiellement plus en faillite depuis décembre 2014, la municipalité a proposé un plan de renégociation de sa dette.

Ré-enchanter les espaces périphériques dans le cinéma français ?

 À l’inverse du cinéma américain, le cinéma français semble peu s’emparer des situations urbaines inesthétiques, et donc empêche que ne se créé un imaginaire et une appropriation de ces espaces par l’ensemble de la société. De très nombreux films français actuels se situent dans un cadre bourgeois, soit dans le cœur de Paris, soit dans une grande maison à la campagne. Par ce biais, tous les français ont accès à un bel appartement Haussmannien à 10 000 € le m², avec un Fabrice Lucchini ou une Catherine Deneuve dans le canapé.

La banlieue des Grands ensembles, situation urbaine inesthétique par excellence, est filmée de temps en temps, et reste souvent cantonnée à des histoires de banlieue, avec des personnages de banlieue, qui souffrent des problèmes de la banlieue. Ces films, réalistes, montrent bien l’enclavement, l’éloignement par rapport au reste de la ville, mais ne réinterprètent pas les espaces et ne permettent pas leur esthétisation.

Bandes de filles

bandes de filles2

Le parent pauvre des espaces urbains au cinéma reste assurément le périurbain, ou la grande périphérie, le « tiers espace », bref, la ville pavillonnaire ponctuée de zones commerciales et de ronds-points, là où 24 % des français vivent[2] pourtant. Conspués par le magazine Télérama en 2010 avec le désormais fameux « Halte à la France moche ! » ; décrits dans toute leur tristesse par Olivier Adam dans le livre « Les Lisières »[3], ils ont peu fait l’objet d’œuvres cinématographiques, ou alors sont le cadre insignifiant ou burlesque de quelques comédies (rappelez-vous, la série Maggie diffusée entre 1985 et 1994, dont l’action se déroulait dans un pavillon du Vésinet !)… À noter cependant un film qui a véritablement su insuffler à ces espaces un grain de folie, de luminosité et de poésie : « Le Grand soir », de Gustave Kervern et Benoît Delépine, sorti en 2012, dans lequel un punk-à-chien vit dans une zone commerciale sur un rond-point. Un pur moment de folie, de décalage, et de beauté !

grand soir 3

grand soir 4

grand soir 2grand soir

 

A l’instar de Détroit, plaidons pour un réenchantement de certains espaces urbains français délaissés par le cinéma. Dammarie-lès-Lys, Goussainville, Saint-Priest ou Villenave-d’Ornon méritent d’être représentées, esthétisées, et ainsi réappropriées par tous et non pas uniquement par leurs habitants. La ville a besoin de représentations pour faire sens, et peut-être retrouver un peu de cohésion.

Julie



[2] Source : INSEE 2008.

[3] Flammarion, Paris, 2012

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Commentaires
S
Tout à fait d'accord !<br /> <br /> En cherchant bien on peut trouver quelques films qui se passent dans le péri-urbain. Comme "La vie domestique" à Marne-la-Vallée, "Tom Boy" à Cergy-Pontoise. A creuser...
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